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Mamange... Et bien d'autres choses avant.

28 mars 2016

L'annonce

C'était un jour de juin. Il faisait bon.

Le soleil à l'extérieur n'arrivait pourtant pas à réchauffer mon monde intérieur. J'avais mal au ventre. Le stress.

Aujourd'hui c'était la deuxième écho et peut-être parce que je suis fille de gynéco pour moi c'était celle où on allait enfin savoir s'il y avait des problèmes ou pas. Pour mon compagnon, c'était celle qui pouvait révéler le sexe qu'il ne voulait pas connaître. C'était là sa seule crainte, il ne fallait pas que je cède à la curiosité et que je le demande. Evidemment, personne n'a parlé du sexe pendant cette écho, c'était le cadet de nos soucis à tous. On l'a découvert à la relecture des compte-rendus, grâce à cette lettre, M.

Dans la salle d'attente, mon compagnon est arrivé avec un peu de retard mais ce n'était pas important, au centre où nous nous rendions il n'était pas rare d'attendre une heure. J'étais stressée mais j'ai gardé mes craintes pour moi. Quand dans l'entourage on me disait "Il est pour quand ce bébé ?" , je répondais invariablement "Pour octobre, si tout se passe bien."... Mes interlocuteurs avaient souvent ce même réflexe "Arrête avec ce "si tout se passe bien", évidemment que ça va bien se passer, il n'y aucune raison.". Moi je savais bien que des raions pour que ça se passe mal, il y en avait des tas, que tant qu'on a pas passé la deuxième écho on ne sait rien ou presque de l'état de ce petit être, que la nature est parfois capricieuse, et que chaque naissance est un petit miracle. Alors dans cette salle d'attente, pour une fois, je voulais cacher mes craintes, et puis grâce à la belle complicité que j'avais avec mon conjoint ça s'est avéré être plutôt facile. J'ai commencé à lui raconter une sottise et puis nous avons ri, nous avons discuté, nous nous sommes esclaffés... Nous avions l'air, nous deux avec notre gros bidon, du couple le plus heureux de la Terre. Nous l'étions.

Le médecin nous a accueilli. Mon conjoint a précisé "On ne veut pas connaître le sexe". 

Et l'image est apparue. Au début, on s'est ému en silence de le voir tout grandi celui qu'on appelait "la crevette". Le médecin a tout de suite dit "On peut dire qu'il a de la place! C'est une vraie piscine là dessous." Il m'a demandé s'il y avait des antécédents de diabète dans la famille. J'ai dit oui et il a noté. Et puis le médecin est resté longtemps sur une zone où il ne voyait rien. Très longtemps. Sans un mot. Ensuite il est passé sur le coeur. Et bien que mes derniers cours d'anatomie remontaient à ma terminale, je me suis dit, il est étrange ce coeur, on dirait que les cloisons ne sont pas fixées. Bêtement j'ai pensé " je ne savais pas qu'elles se fixaient après". Oh! Vous pouvez rire car j'en ris maintenant moi aussi. Et puis ce fut au tour du cerveau, l'examen a duré encore très longtemps. Et toujours ce silence. Je commençais doucement à comprendre.

Le médecin a "raccroché" sa sonde, m'a tendu du papier. Bon, il faut que je vous explique, il y a plusieurs problèmes.

Voilà. C'était là. C'était maintenant. C'était pour nous.

Mon amoureux a attrappé très fort mon pied. Nous nous sommes regardés très fort aussi. Mes yeux se sont embués.

Le médecin a détaillé l'absence d'estomac, les malformations cardiaques, l'absence de corps calleux entre les deux hémisphères et puis cet hydramnios, la piscine qui faisait que j'avais l'air enceinte de huit mois alors que j'en étais à peine à six.

Dans de nombreux témoignages lus par la suite, j'ai en mémoire que de nombreux parents mentionnent qu'à ce moment là, le ciel leur est tombé sur la tête. Mon ciel à moi n'est pas tombé, il était bien accroché ce jour là. Ce n'est que plus tard qu'il allait céder.

Mon côté rationnel est entré en jeu : il a dit à l'émotionnel de la boucler pour le moment. Moi, je l'aime bien ce côté là, je peux souvent compter sur lui. En cas d'alerte, il est là , posé et calme, il gère. Je l'ai donc entendu demander, sans un trémolo dans la voix, les origines de ces malformations diverses puis rapidement il a demandé au médecin comment se passait une interruption de grossesse. Il est pertinent, mon côté rationnel. Je répète, je l'aime bien. Mais parfois il va trop vite. En tout cas il est allé trop vite pour le médecin qui n'avait sans doute pas l'habitude que la patiente prenne ainsi les devants. 

Le médecin a donc dit que j'allais vite, qu'on ne pouvait pas encore statuer sur la viabilité de l'enfant, que ce n'était pas comme ça que ça se passait, qu'on allait se laisser le temps.

On était jeudi soir. On avait le temps mais il nous a quand même donné rendez-vous le dimanche matin pour qu'il puisse prendre d'autres clichés parce qu'il n'était pas sûr.

Moi, je le répète je ne suis pas une Marie Curie de l'anatomie mais si tu me dis que mon bébé n'a ni estomac, ni septum ni corps calleux, je me dis qu'il est quand même mal barré pour vivre. Je me dis s'il n'avait qu'un manque sur les trois, on aurait déjà le droit de se poser la question... Mais là... Quand même... Je veux bien que la médecine fasse des progrès mais... Hein... 

Nous avons tenu bon. Nous sommes sortis sans une larme de la salle d'examen. C'est au moment où nous avons rejoint la salle d'attente, quand nous nous sommes heurtés de plein fouet avec nos fantômes hilares de bonheur que nous nous sommes effondrés humides dans les bras l'un de l'autre. Ca leur a fait tout drôle aux autres qui attendaient, il m'a même semblé que ceux qui râlaient tout à l'heure à cause du retard s'étaient tus. Ca leur avait coupé la chique ce joli petit couple riant qui était rentré et qui n'était jamais ressorti. A sa place, il y avait maintenant des adultes fatigués et figés.

Voilà. Nous savions. Il a fallu l'annoncer aux proches. Ca n'a pas été facile. Nous ne voulions pas leur faire de peine. Nous n'avons malheureusement pas pu faire autrement.

Voilà comment ce soir de juin, notre famille s'est mise à avoir froid aux quatre coins de la France, en plein milieu d'un centre commercial, dans une voiture, dans une salle de bain, dans un jardin... en dépit des 24°C qui baignaient tout le territoire national.

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28 mars 2016

Création du blog

J'ai décidé de créer ce blog pour témoigner de mon parcours afin d'aider celles et ceux qui se retrouveraient dans une situation analogue à celle qui a été la mienne.

Je n'ai pas la prétention de venir combler une lacune sur la grande toile, on y trouve déjà de nombreux supports, forums, reportages... animés ou créés par de formidables associations, des anonymes ou des médias. J'ai seulement l'envie d'apporter ma petite pierre et ainsi peut-être aider une larme à sécher parmi toutes celles qui ont ou vont couler.

Le jour où l'interruption médicale de grossesse est entrée dans ma vie, c'est sur cette grande toile que j'ai cherché à me documenter pour comprendre et anticiper, c'est ici que j'ai pu compléter ou relire les indications des médecins.

Aujourd'hui, il me semble que c'est à mon tour d'alimenter une des sources qui m'ont réchauffée lorsque j'avais froid.

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Mamange... Et bien d'autres choses avant.
  • L'interruption médicale de grossesse concerne une grossesse sur cent. Elle m'a touchée, moi, il y a 2 ans. Le ciel ne m'est pas tombé sur la tête. Je savais que ça pouvait arriver. Je me suis simplement dit =C'est maintenant. C'est à mon tour de vivre ça.=
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